Mon
grand-père me disait : le bois te chauffe trois fois. La première chauffe
à lieu quand tu le coupes, la deuxième quand tu le ranges pour le sécher, la
troisième quand tu le brûles dans la cheminée.
Les
deux premières chauffes expliquent pourquoi le feu de bois n’est pas un
chauffage de tous repos. Bon, bien sûr, on peut l’acheter le bois (coupé et séché), pour n’avoir plus qu’à
le déposer dans la cheminée. C’est une pratique largement établie de nos jours.
Encore faut-il accepter la contrainte de la troisième chauffe qui consiste à
approvisionner le foyer en bûches au fur et à mesure qu’elles se consument.
Au
vu de ces astreintes, j’imagine assez mal les personnes habitants en
appartement se chauffer avec du bois. Et je comprends que celles qui utilisent
ce mode de chauffage en maison individuelle, veuillent avoir le meilleur
rendement possible en matière d’énergie
calorifique restituée dans leur habitation.
Et
c’est pour cela que les foyers ouverts restent chez beaucoup de personne, comme
au domaine de Frévent, des éléments de décoration, ou de support pour y placer
des inserts.
La
plupart d’entre eux ne sont plus destinés à réchauffer l’atmosphère des lieux. Ils
ne brûlent plus que de temps en temps pour l’agrément des ambiances historiques.
C’est
à cet égard qu’il me parait ridicule d’envisager une loi pour les interdire,
même si il est démontré scientifiquement qu’ils émettent des fumées
polluantes.
Voilà
un bien curieux remède envisagé, au nom de l’écologie, qui vise à supprimer le
moyen de chauffe le plus ancien qui existe sur notre planète et qui n’a pas
transformé la climatologie de la terre durant des millénaires.
Peut-être
qu’un jour, dans la même logique, s’il est prouvé par les scientifiques que le
fumier de vaches est polluant pour les sols, il faudra interdire les épandages
des déjections animales pour mieux faire de la place aux engrais chimiques.
Mais
j’ai soudain l’esprit critique qui me monte au cerveau. Alors on se détend… et
on revient à nos jolis feux de cheminée qui avaient tant de charme quand ils
n’étaient pas contenus dans un cube en fonte.
Jadis,
on les entendait brûler. Des crépitements aux chansons des plus insolites, ils
nous parlaient. On les écoutait. Un monologue flamboyant s’installait dans les
pièces, attirant irrésistiblement la présence de l’un près de l’autre. Leurs
vocalises nous signifiaient combien ils tentaient de nous apporter le réconfort
souhaité. Leurs amplitudes sonores nous alertaient quand furieux, ils
débordaient d’énergie ou quand affaiblis, il fallait les attiser. Une relation
se constituait alors entre le maître et son serviteur.
Jadis,
on les voyait s’évaporer. La fumée qui s’élevait dans l’âtre dessinait des vortex
évolutifs plus ou moins opaques et colorés. Du jaune au blanc le plus pur, on
assistait à l’envolée funeste de la transpiration du bois. Une purification
donnant le sentiment étrange que plus elle était dense, plus notre corps en
serait réchauffé.
Il
s’agissait de la fuite en avant du mal que l’on combattait sous les traits du
froid et de l’eau. Plus elle était rapide et plus le feu était impétueux,
pouvant ainsi nous envelopper dans son nuage de douceur. Je pouvais rester des
heures à contempler cette maudite fumée que notre société d’aujourd’hui
souhaite voir disparaître. D’ailleurs, quand elle diminuait d’intensité,
j’avais tendance à vouloir la réactiver pour admirer encore ce qu’elle avait à
me présenter d’elle même. C’était un véritable tableau en mouvement perpétuel.
Jadis,
on les sentait se consumer. Des odeurs des plus délicates aux odeurs des plus
complexes. Au grès des essences embrasées, les différents parfums qui s’en dégageaient,
embaumaient les pièces. Elles participaient indirectement au réconfort apporté
par le feu, en réchauffant nos sens.
Mais
ne vous inquiétez pas, malgré tous ces attraits et cette nostalgie, il y a bien
longtemps que je n’ai pas allumé de feu dans une cheminée sans insert. Car je
suis comme tout le monde, j’aime faire des économies. A fortiori, parce que
c’est moi qui coupe le bois à Frévent et qui le stocke pour le faire sécher.
Alors plus les bûches se consument lentement en diffusant un maximum de chaleur
et plus cela me convient.
Je
vais même à présent jusqu’à utiliser des cubes allume feu pour le démarrage.
Enfant, j’ai pourtant appris la méthode papier journal, petit bois, moyens bois
puis grosses bûches sur le dessus. Mais c’était l’époque où on prenait le temps
de faire des fagots de branches et où on avait du papier journal à disposition.
Je
me débrouillais bien, étant petit, pour ce genre d’exercice. Il faut dire
qu’une phrase de ma marraine résonnait dans ma tête à chaque fois que je m’y
attelais. (oui j’en ai toute une série
comme cela…)
Elle
me disait : Celui qui est capable d’allumer un feu le matin est capable de
tout réussir dans sa journée.
Alors
je m’en étais fait une idée : il fallait que le feu démarre du premier
coup. D’où une application certaine de l’échafaud et du choix des matériaux.
Papier bien en boule mais pas trop serré, petit bois bien sec pas trop étalé,
bois moyen pareil et un bon coup d’allumette. Le crépitement se faisait
entendre, la fumée montait et l’odeur se développait. C’était parti… mais pas
acquis. En effet il fallait rester devant quelque instant avec la pince pour
l’accompagner en réordonnant le bois qui devenait braise au fur et à mesure.
Aujourd’hui,
c’est un cube, trois pommes de pins et des grosses bûches direct ! On ferme
la porte du poêle et peut s’en aller vers d’autres occupations. D’autant
qu’avec les inserts il n’est pas nécessaire d’allumer tous les matins puisqu’il
reste souvent des braises encore rouges de la veille.
Tout
ça pour dire quoi ? Dire que dans ‘ la maison du garde’ il y a un insert
et une provision de bois bien sec à disposition pour y enflammer une belle
ambiance hivernale.
Dire
peut-être aussi dans un esprit rebelle : vive les feux de cheminée. Même
si aujourd’hui les scientifiques ont remarqué que cela dégageait des particules
nocives (mais j’y pense… ces gens-là, savent-ils au
moins allumer un feu de bois?)
J’ai
appelé ce feuillet ‘La fumée de cheminée’ pour rester sobre et discret. J’aurais
peut-être dû l’appeler avec plus d’arrogance ‘cul par-dessus tête’, tellement
la solution au problème posé semble être à la renverse de toute logique
écologique. Mais je n’ai pas encore acquis assez d’audace pour ce genre de
réflexion. On verra cela pour plus tard, bien plus tard, dans une autre époque
…
Hervé
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire