domaine de frévent

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mercredi 18 octobre 2017

Du rut à la tombée des glands.


C’est un drôle de titre qui aurait pu être « de la course aux champignons à l’ouverture de la chasse ». Une façon comme une autre de mettre l’accent sur la période entrée-automnale. La période la plus dense en termes de travaux agricoles, contrairement aux idées reçues qui conduisent à penser que le pic de travail pour nos agriculteurs est la moisson du mois de juillet. Après les semis de colza et l’épandage des amendements et fertilisants, arrivent l’arrachage des betteraves, les labours, la préparation du lit de semence et les semis de blé, d’orge et d’autre activités encore. Tout cela se succède sur les journées où la météo reste favorable pour une bonne exécution. Et puis, il y a chasse …

En ce qui nous concerne, l’été est passé vite et comme vous avez pu le constater il ne m’a pas beaucoup inspiré. Nous avons travaillé, nettoyé, réparé, veillé avec l’attention qui est la nôtre sur tous ceux qui sont passés dans nos murs. Nous avons survécus à la grosse chaleur en nous refugiant dans les endroits frais et évités la pluie en s’abritant dans des endroits secs. Nous avons su faire face à des clients qui arrivent trop tôt et à d’autres qui partent trop tard, ou l’inverse je ne sais plus… Un été classique sans évènement particulier et donnant l’impression de déjà-vécu. Il est temps de se changer les idées !


La couleur verte fait place au jaune et avec elle, l’humidité tombe et l’obscurité grandit. Le bois de chauffage est soigneusement rangé dans le buché, les cheminées sont ramonées et sont prêtent à fonctionner.
Le froid arrive… comme à Westeros ! Et à l’heure où la plupart de mes confrères programment la fermeture de leur établissement pour l’hiver, moi je me prépare à affronter seul… les marcheurs blancs!

Avec quelques gites, des chambres et des cabanes, de la lumière et du réconfort, du repos et du calme dans des lits douillets, avec ou sans chauffage selon votre hardiesse et votre désir d’aller au front, c’est ici que j’attendrais dans les semaines qui viennent tous ceux qui seront tentés de se joindre à moi pour ainsi plonger dans l’univers de ‘ la garde de nuit’. Mais attention, pas de neige ni mur de glace car les températures extrêmes : très peu pour moi !

Elle est bien loin l’époque où les hommes avaient peur de la forêt. Celle-ci se présentait pourtant sous le même aspect qu’aujourd’hui, sombre, sauvage donnant l’impression de ne jamais finir jusqu’à en perdre son orientation. Nos ancêtres craignaient surement de ne jamais pouvoir y retrouver leur chemin et être amenés à affronter seuls dans la pénombre des bruits d’autant plus étranges qu’ils étaient nourris par l’imaginaire et les croyances en vogue. Ils ne s’y aventuraient pas pour se promener, aller aux champignons, ramasser du muguet ou faire du jogging, mais juste pour empreinter les chemins qui la traversait de part en part. Les mieux lotis étaient escortés par des hommes en armes quant aux autres, ils devaient savoir manier le couteau.
Il faut dire qu’en ce temps-là, elle abritait loups, ours, sorcières, et bien souvent et par voie de conséquence les malfaiteurs qui préféraient vivre dangereusement plutôt que de finir sur l’échafaud.

La forêt était considérée comme dangereuse, ce n’est plus le cas aujourd’hui. 


Je me demande comment la population réagirait si les prédateurs arrivaient jusqu’à nos campagnes, en périphérie de Paris. J’imagine la réaction de certains face au hurlement du loup qui résonne dans la forêt pendant une soirée barbecue le soir venu.

« Vite, mettez les enfants à l’abri et attisez le feu pour repousser la meute ! Demain, nous irons à la mairie évoquer notre sentiment de peur et d’insécurité. Si le maire ne fait rien, nous irons déposer plainte pour - mise en danger d’autrui – ou un autre chef d’accusation, qu’importe c’est juste pour recevoir des indemnités sur le compte de notre grosse frayeur. Peut-être aussi un petit avis bien négatif sur le site web de la commune pour surchauffer l’ambiance dans le cadre du ‘bien vivre ensemble’» Cela tournerait vite au pugilat et ne contribuerait qu’à rajouter de l’huile sur un feu de pratique déjà bien en vogue actuellement.

Pourtant, au risque de m’attirer de vives critiques et des jets de pierre, je verrais d’un bon œil la présence de cet animal dans mon univers de vie, cela en tenant compte de la nécessité qu’il y aurait alors de prendre de sérieuses précautions au quotidien pour ne pas y être confronté directement. Outre son impact régulateur sur la prolifération du gibier et des nuisibles que les chasseurs ont bien du mal à contenir, Il aurait un rôle de prise de conscience pour chacun d’entre nous en faisant ressortir que la nature, même en pays civilisé, n’est pas un jardin où l’homme peut épuiser les ressources naturelles sans craindre d’être dévoré à son tour. Cela reste une image bien sûr car pour certain, le loup n’attaque pas l’homme.

A défaut de hurlement, ce que l’on entend actuellement à Frévent se sont les grognements du cerf pour sa parade nocturne, le bruit des glands de chêne qui tombent d’une vingtaine de mètres sur les toits placés sous les houppiers comme ceux des cabanes dans les arbres et, le dimanche matin, les détonations de quelques coups de feu de chasseurs embusqués derrière la clôture. Je précise que ces derniers tirent toujours dans la direction opposée au domaine. Plus tard dans la matinée, il y aura le cri du coq sur fond de volée des cloches d’église pour la grand-messe. Ce sont les bruits de la campagne la vraie, celle que j’aime.


Les sorcières, si elles existent encore, ne sont plus en forêt. Si l’on exclut leur activité magie noir ou divinatoire qui reste bien discutable, je pense qu’elles pouvaient détenir de réelles connaissances sur les vertus nutritives et curatives des plantes, champignons, lichens et autres insectes peut-être. Beaucoup de ce savoir a été perdu et si on le réapprend aujourd’hui pour les plantes au travers des huiles essentielles et herbes médicinales, je me dis qu’il reste encore bien des choses à découvrir concernant la multitude de champignons qui apparaissent tout au long de la saison en sous-bois et dans les prés. Bien malin est le pharmacien qui peut prétendre pouvoir nous renseigner sur les effets des moisissures diverses que nous lui présentons.
Sans être particulièrement favorable au retour de ces guérisseuses esseulées, je pense qu’elles devaient apporter beaucoup à la société d’autrefois. C‘est d’ailleurs pour cela qu’elles ont été brûlées, religion oblige !

Les malfaiteurs ne reviendront plus vivre en milieu naturel car sans wifi ni fast-food, je les imagine mal survivre en extérieur (sa kaille !) d’autant qu’ils n’ont plus le besoin d’échapper à la peine capitale.

A l’heure où le froid arrive, moi qui vis en forêt en 2017, je vais tenter d’affronter la rudesse du climat et ce, plusieurs mois durant pour faire du domaine de Frévent une maison refuge ou quel que soit la présence hostile qu’il règne au dehors, il fasse bon s’y abriter pour se réchauffer, se restaurer, se reposer et ainsi contribuer à ce que même en plein hiver, au Nord… la vie continue.

Hervé