domaine de frévent

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samedi 28 février 2015

So British



Nous recevons beaucoup de personnes de nationalité différente à Frévent. Les clichés nous conduisent vite à nous faire des idées sur les comportements de chacun en fonction des pays d’origine. Certains ont la réputation d’être soigneux, d’autres la réputation d’être bruyants. Je ne prête pas beaucoup d’attention à ces étiquettes populaires qui définissent entre autres, nos amis anglais comme des personnes extravagantes.

Je me suis prêté à une petite réflexion sur le sujet, qui m’a conduit à faire un jeu comme on en subit chez un psychologue qui cherche à cerner notre personnalité. J'ai vécu quelques expériences comme cela dans mon cursus professionnel. C’était il y a longtemps mais je me souviens bien de l’exercice.
On me disait un mot et je devais dire le plus rapidement possible ce qu’il évoquait pour moi.

Par exemple pour le mot ‘Anglais

    - vite, très vite…

- euh, ben… la Queen !
    - Mais encore
- Eh bien… une île
    - Et puis
- Chapeau melon et botte de cuir, les Hauts de Hurlevent, Waterloo, Amy Winehouse, Beatles, rouler à gauche…


J’ai mis un certain temps à comprendre que ce n’était pas les réponses qui étaient importantes mais l’attitude que j’adoptais pour les formuler. Étant donné que j’ouvrais grand les yeux à chaque mot balancé dans la précipitation, j’étais vite catalogué comme... Je n’ai jamais eu les résultats.
Alors pour faire différent cette fois j’ai envie de prendre en compte les réponses et considérer qu’elles sont le reflet de ce que représente l’Angleterre à mes yeux.



On voit clairement que les séries télés ont bercé mon enfance. Dans chapeau melon et botte de cuir, le Britannique était représenté par John steed, la grande classe mais pas très sport. L’Anglaise, Mme Peel ou Purdey, so sexy et surtout très sport. Des protagonistes très cultivés, faisant preuve de beaucoup de tact. On y voyait des voitures de grande classe qui sillonnaient les routes (toujours mouillées) du bocage anglais. Elles traversaient les forêts et les petits villages de maisons anciennes en briques rouges. Les paysages étaient rarement ensoleillés. L’intérieur des maisons étaient toujours très ‘cosy’. Les pièces étaient souvent éclairées par des lampes posées, rarement par des appliques murales. Je revois encore les fauteuils ‘club’ dans les salons. Enfin, le Champagne coulait à flot et souvent en cascade à la fin des épisodes.
Le plus marquant aura été celui avec le rat gigantesque qui avait bu de la potion magique et qui semait la terreur dans les égouts de Londres.

Dans un autre registre , j’ai cité un roman des sœurs Brontë. Je n’ai pas connu leurs livres étant petit, mais plutôt leur adaptation au cinéma. Et en particulier Wuthering Heights avec l’aristocrate malheureux, Heathcliff. La version que je préfère est celle avec Ralph Fiennes et Juliette Binoche, sous un ciel gris omniprésent. Rien que d’en parler, j’ai déjà froid dans le dos. Mais ça c’est plutôt pour l’Angleterre du nord, l’écosse quoi !
Je me souviens du château ténébreux en granite, battu par le vent et la pluie. Les paysages y étaient grandioses. Il y avait l’océan, les falaises, la lande et le whisky dans ce cas. Un coin de l’Angleterre sauvage que j’aime assez.



Waterloo, pourquoi ? Je n’en ai aucune idée, d’autant que la ville est en Belgique. C’est peut-être à cause de la statue de Napoléon sur le pont de Montereau Fault Yonne. Je traverse ce pont souvent et cela doit me faire penser à la défaite de l’Empereur. Je n’aime pas les défaites. Même s’il s’agit des défaites de méchant. Je ne sait d'ailleurs pas qui était le bon et qui était le méchant dans cette histoire... Mais je m’éloigne du sujet.


Il y a la représentation musicale évidemment. Des Beatles à Amy en passant par tant d’autres que je ne citerais pas par peur de passer pour un ringard. La musique anglaise est le reflet d’une société qui est faite…pour la chanson populaire, tel que le monde l’aime aujourd’hui. Elle atteste de gens bien ancrés dans leur époque et qui savent avancer avec un peu de légèreté pour égayer le quotidien.

Le fait de conduire à gauche avec le volant placé à droite dans la voiture, ou vice et versa, je ne sais jamais comment le décrire. En tout cas c’est le contraire de nous !
Cela établit une originalité qui prête à rire. N’aurait-il pas été plus simple pour toute la planète de rouler du même côté ? Les panneaux de stop sont partout les mêmes ainsi que la signification des feux tricolores, que je sache. Le fait qu’un petit pays comme l’Angleterre ait décidé de conduire différemment des autres prouve une certaine audace vis-à-vis du monde entier.
On m’a expliqué un jour que ce choix proviendrait de la suite logique de la montée à cheval. Mais je ne me souviens plus très bien de l’explication.
Toujours est-il qu’à l’arrivée d’une voiture avec volant à droite (ou à gauche, je m’y perds) bref, une voiture anglaise à Frévent, je me demande comment elle a fait pour arriver saine et sauve jusqu’ici.
Cela doit être très dangereux de conduire sur nos routes avec un volant de côté inversé. Personnellement je ne m’y risquerais pas. Alors pour ceux qui y arrive, en bon état… bravo.

Revenons à la Queen ‘Elisabeth’. Encore un sacré pied de nez de la part de nos amis d’outre-manche.
Vis-à-vis de nous, dont les politiques d’aujourd’hui ne cessent de rabâcher l’automatique « vive la république » à tout bout de chant, et bien juste à nos coté il y a des gens qui, avec leur monarchie sauvegardée, vivent exactement de la même façon que nous. Des malins ces anglais, ils n’ont pas eu besoin de guillotine ni de révolution pour aboutir à la démocratie. Cela démontre une habilité politique dont nous n’avons pas su faire preuve… Alors là encore, respect.
Mais je m’arrête là car je risque d’être montré du doigt par certains et fiché par les renseignements généraux comme mauvais citoyen.

Je n’ai pas sorti le mot 'vin', j’aurais dû. Ayant commercialisé du vin dans une vie antérieure, je peux vous dire qu’ils ont un fin palais. Malgré une gastronomie réputée médiocre, on doit bien leur reconnaître le mérite de savoir apprécier les vins Français. C’est d’ailleurs grâce à eux si les vins de Bordeaux ont connu un tel essor, à une certaine époque. Ils les ont fait connaître au monde entier. La réputation d’un vin ne grandit que si elle passe par l’Angleterre.
 

Et c’est avec ces représentations que j’échafaude l’arrivée des anglais au domaine.

                   

Je vois un juste mélange de john Steed et de Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols pour Monsieur. Un assemblage délicat de Purdey et de Margaret Thatcher, pour Madame. J’imagine leurs pères dans les ‘Hauts de Hurlevent’ sous les traits de Heathcliff ou de Mr Stevens dans ‘Les Vestiges du Jour’, et le père du père de son père…et son père à la cour d’Henri VIII dans les ‘ Tudors ‘.


Je sais qu’avec leur voiture, il vaut mieux leur proposer de se garer à droite du parking et ouvrir la portière gauche pour que madame descende. Je sais qu’il me faudra être très respectueux de la hiérarchie historique de leur pays et qu’ils apprécieraient volontiers que je sois la descendance directe du seigneur de Frévent. (Croisé, mort à Jérusalem auprès des Templiers…j’ai oublié la date). Je sais enfin qu’il ne faudra surtout pas ouvrir une bouteille de beaujolais nouveau !

Nous aurons pour sujet de discussion les campagnes vallonnées du pays de Galle aux prairies verdoyantes. Nous évoquerons les petits villages en briques rouges sous un ciel toujours gris, ainsi qu’une écosse telle que je la connais avec pluie, vent et l’océan qui claque sur les falaises. Nous parlerons des nouveaux groupes musicaux en vogue sur le Net. Et nous nous exprimerons politiquement sur l’avenir de leur reine, princesses et duchesses ainsi que des lords qui siègent au parlement.

Oui, mais tout cela restera dans mon imagination. En effet, j’oubliais… Je ne parle pas anglais. Pas suffisamment en tout cas pour entamer des discutions philosophiques. Alors à moins d’avoir un interprète à mes côté, mon épouse notamment, les sujets de conversation vont être très limités. Le mieux étant évidemment quand mes amis anglais maîtrisent parfaitement la langue de Molière. Mais ce n’est pas souvent le cas !

Cela ne m’empêche pas de ressentir des choses, pour avoir un service et un dialogue adapté à leur état d’esprit.
L’approche est différente avec les allemands, les belges les américains, car ils n’ont pas les mêmes séries TV, ne vivent pas sous les mêmes paysages et surtout n’ont pas la même histoire.
Point d’étiquette donc pour toutes ces nationalités différentes, mais une communication adaptée à ce que je connais d’eux.
C’est ainsi que je me mets à leur service pour les quelques heures que nous passerons ensemble.


Hervé


vendredi 20 février 2015

Le petit déjeuner...



Le chant du coq résonne au loin. Je sors de ma chambre et j’entends le bruit de mes pas sur les cailloux pour rejoindre la salle des petits déjeuners. La grande porte fenêtre en chêne laisse présager d’un intérieur chaleureux à l’image d’une maison de ‘Hobbit’. J’aperçois à travers les carreaux, des petites lampes allumées dont la lueur jaune rappelle l’éclairage à la bougie.

Point de découverte pour moi qui en suis l’auteur. Cette maison est la mienne et je la connais par cœur. Je suis ici, ce matin en test. Je me place en invité afin d’avoir l’esprit critique sur mon offre « petit déjeuner ».
Jusqu’à là, tout va bien… Je pousse la lourde porte. Elle couine légèrement et apporte un peu de mystère à mon action... J’entre.

Une douce température m’envahit. La cheminée en bout de table est allumée. Les flammes viennent lécher la vitre du foyer fermé et la chaleur se dissipe à travers la pièce. Celle-ci est accompagnée d’une bonne odeur de levain qui émane d’un grand plat garni de pains frais et viennoiseries, posé sur la table. La lumière tamisée ajoute une chaleur visuelle à l’ambiance. Je pense que c’est l’intensité qui convient au démarrage d’une journée (Même si certains de mes invités demandent la lumière forte…directe, pour un réveil explosif). Je cherche un porte manteau pour y accrocher ma veste. Il n'y en a pas... Je me note là, de quoi y remédier.



Une musique se fait entendre en sourdine. Elle est assez douce, mais la qualité du son doit être améliorée. Le chat de la maison vient s’installer dans un fauteuil pour s’endormir (action incontrôlable, mais fréquente). Il vient renforcer le sentiment de quiétude qui règne dans cette atmosphère feutrée.  
Je vais passer outre l’analyse en ce qui concerne l’accueil de la maîtresse de maison. Je ne serais pas très objectif. Je remarque que fort heureusement, elle n’est pas habillée en jupe noire avec petit tablier blanc (cela ferait mise en scène). Le sourire est un peu exagéré à mon goût mais je pense que cela tient au fait de me voir jouer le client. Elle me présente la grande table et me propose de m’assoir. Je m’exécute.

Et là ! Petit bémol, Moi qui aime les chaises de table, lourdes, capitonnées, cossues, celles-ci sont paillées et plutôt légères. Ce ne sont pas des chaises de cuisine mais je trouve qu’elles ne sont pas en accord avec la table. A changer ! (seulement les chaises, pas la table). 

Bon, on ne va pas se mentir, je n’ai pas attendu toute cette parade pour m’apercevoir qu’il me fallait changer les chaises. Mais là, ça formalise le besoin. Ce soir en compte rendu de test, je noterais dans les actions à effectuer: chaises à changer. 
Une fois assis, on se sent bien. Yaourt, compote, sucre, miel, confiture et beurre sont posés là, devant moi, sur une belle nappe de couleur ‘tendance’ (pour éviter le mot ‘taupe’).

L’odeur du café arrive pour finir de me mettre en appétit. Je me serre dans le grand bol avec quelques morceaux de sucre de canne. Les petites cuillères sont anciennes mais bien argentées. Elles sont plus creuses que les cuillères modernes et c’est appréciable. Les couteaux proviennent du même service et sont particulièrement coupants. Mes hôtes ont des outils efficaces pour se sustenter. Je rajoute un peu de lait provenant du pot en terre cuite. (Hélas ! il n’y a pas la crème sur le dessus, c’est une autre époque)

Le pain frais est encore chaud à l’intérieur et légèrement croustillant sur l’extérieur. Il y a une grosse motte de beurre neuve dans le beurrier. Ça donne envie de l’entamer. Et on évite la décortication du papier entourant les petits cubes, comme en hôtellerie. Les serviettes en papier sont épaisses et suffisent largement à un repas de petit déjeuner (à moins d’être un gros cochon évidement).
Les yaourts proviennent de la ferme de Nangis, juste à côté. Ils sont délicieux (aux dires des connaisseurs) et surtout, ils sont locaux. Les confitures sont ‘maison’. Pas toutes de Ma maison, mais aussi de maison de voisin et amis du coin qui on la gentillesse de nous en préparer quelques-unes tous les ans.

Après quelques morceaux de pain beurré, je goûte la brioche et un de ces croissants qui parfument la pièce depuis le début du repas.
Il y a deux autres tables plus petites dans la salle pour les couples qui désirent un peu d’intimité. Elles ne sont pas préparées mais j’imagine que le ressenti doit y être le même qu’ici. Il me faudra quand même le vérifier une fois prochaine.


Je finis mon bol après un quart d’heure de dégustation. J’ai chaud, un peu trop. 
La flambée de cheminée doit être présente, mais toutefois modérée.

Mon ventre est bien rempli. Je pense que ce petit déjeuner de campagne, devrait convenir à l’ensemble de mes invités. Il est copieux, chaleureux et devrait leur donner assez de tonus pour attaquer la journée avec force et détermination.
Je ne dirais pas grand-chose au sujet des denrées elles-mêmes car, à moi, elles me conviennent. En revanche, j’attends de connaître vos réactions pour savoir si elles correspondent à vos attentes (n’hésitez pas de m’en faire part, mais gentiment s’il vous plaît).

Pour ma part, j’apporterais donc les améliorations qui s'imposent, au petit théâtre qui sert de décor à ce moment important du matin. Car c’est là où tout se décide. Un bon départ c’est toujours une bonne journée...

Hervé

vendredi 13 février 2015

Les animaux qui pleurent...


C’est en regardant courir un sanglier dans le champ en face, que m’est venu une réflexion concernant le droit des animaux. Vous savez, c’est d’actualité… Les parlementaires viennent d’adopter un amendement qui les reconnaît, pour le code civil, comme des « êtres vivants doués de sensibilité » plutôt que des « biens meubles » comme auparavant. En matière de droit, la nuance est importante. Mais ma pensée se porte plutôt sur l’aptitude du législateur à savoir ce qui est bien ou pas pour l’animal…qui ne parle pas !

Je sortais de Frévent en voiture, le portail automatique s’ouvrait en coulissant. Là devant moi, une lourde masse de viande montée sur quatre pattes coniques déambule en territoire hostile. Cette grosse tâche noire se distingue bien sur la couleur verte du blé tendre d’hiver. Elle laisse apparaître une trajectoire non rectiligne de l’animal. Il est couvert de boue et doit sentir … le sauvage. Sa vie est rude, il ne craint pas les températures extrêmes ni les précipitations. Je me suis mis à le comparer dans ma tête à un petit chien domestique, toiletté, parfumé, habillé dans les bras de sa maîtresse préférée qui le couvre de bisous et de papouilles toute la journée. La question s’est posée naturellement, lequel de ces deux animaux est le plus heureux dans cet univers imposé par l’homme.


Le sanglier

Il n’y a pas de chasse aujourd’hui et il n’y a donc pas de chasseurs derrière lui. Mais il ne le sait pas. Ce cochon est pourtant bien pressé de rejoindre la forêt juste devant lui.

C’est un animal intelligent au dire des chasseurs qui l’ont déjà affronté. Certain y ont laissé des plumes et même la vie, tel le roi Robert BARATEON, grand guerrier devant l’éternel qui ne mourut pas sur le champ de bataille, mais à la chasse, éventré par un porc ! Mais là, on est dans une autre histoire.

A le regarder faire, je me demande ce qui le pousse donc à courir ainsi pour rejoindre le maquis. Peut-être le fait de se sentir vulnérable en terrain dénudé. Il avance par peur et non pas par stratégie. Il n’a pas la notion du temps, et ne sais donc pas où il sera demain, l’heure prochaine ni dans les minutes qui viennent. Il ne s’en soucie pas puisque pour lui, le futur n’existe pas. Il ne sait pas que le printemps viendra et qu’il sentira alors venir le désir de la reproduction. Il ne sait pas non plus qu’il lui faudra bientôt trouver de la nourriture. Il ne réfléchit pas, c’est donc son estomac et la faim qui lui feront comprendre qu’il doit manger, sur l’instant. Lui est totalement libre de tous ses mouvements. Personne ne s’inquiète de savoir s’il a chaud, s’il a froid, s’il a des douleurs quelque part.

Je ne vois que deux choses qui le poussent à avancer dans la journée. La quête de nourriture, et la crainte du prédateur. Que se passerait-il s’il venait à manquer l’un de ces deux motivateurs. Sans nourriture, ce n’est pas difficile à imaginer, il meurt. Cet élément lui est donc indispensable. Mais sans prédateurs, aurait-il toujours en lui ce profond le désir de survie ? Certain pense qu’une race qui ne redoute aucun prédateur, est appelé à disparaître à plus ou moins long terme, faute de combativité. Et cela sans évoquer les problèmes engendrés par la surpopulation de l’espèce. Si les chasseurs ne jouaient pas leur rôle à son égard, qu’est ce qui pousserait cet animal à se battre pour exister ?


Le petit chien

Lui est au théâtre, bien au chaud, assis sur les genoux de la patronne. Il se fait caresser (sur la tête, car il est habillé d’un jolie petit gilet rouge tricoté avec amour). Il est entouré d’êtres humains, et ne se soucie guère de leur présence. Ce n’est pas un animal sauvage. La pièce va commencer et tous les regards vont être attirés vers la scène. Plongé dans l’obscurité, il va pouvoir s’endormir paisiblement. Il se réveillera quand sa maîtresse se lèvera. Il n’aura pas besoin de marcher car elle le portera dans ses bras jusqu’au domicile. Là, une bonne gamelle de croquettes parfumés et multicolores l’attendra. Si la faim se fait sentir, il n’aura plus qu’à baisser la tête pour s’alimenter. Ah, j’oubliais, il est à jour de tous ces vaccins.
Lui aussi vit au présent, sans la peur du lendemain, qu’il ne connaît pas. Aujourd’hui c’est théâtre, demain ce sera les grands magasins, mais il ne le sait pas encore. La reproduction viendra quand on lui mettra une femelle devant les yeux. Cet animal n’est libre d’aucun mouvement mais n’a pas besoin de chasser pour survivre. Dès qu’il fait froid, on le couvre, dès qu’il a soif on lui donne de l’eau. Et si la maladie le gagne, on le soigne.
Qu’est ce qui peut bien pousser ce petit chien à se lever tous les matins ? Je ne vois qu’un seul facteur motivant dans son cas, c’est l’amour de sa maîtresse. Et de l’amour il en donne autant qu’il en reçoit. De l’attention, des caresses en échange d’une vie sous tutelle.

Le portail s’est maintenant refermé derrière moi, et l’habitacle de la voiture commence à bien chauffer. Le moteur tourne au ralenti et je ne suis pas pressé de m’engager sur la route. Je ne suis pas encore arrivé au terme de ma réflexion.
La question reste entière. Puis-je arriver à définir lequel des deux animaux est le plus heureux. Alors il me vient une idée. Inverser leurs situations.

Imaginer le petit chien, sale et puant, qui coure dans la plaine, pour fuir son prédateur ou pour rechercher sa nourriture. Cela me paraît impossible et s’il devait vivre un jour cette situation, cela serait pour son plus grand malheur. Il ne serait pas heureux et ne survivrait pas longtemps.

Imaginer le sanglier sur les genoux d’une maîtresse qui le couvre de câlins, lui donne à manger et à boire à volonté, me semble plus vraisemblable (pour le sanglier, car je pense que la maîtresse ne s’en accommoderait pas). Un animal sauvage s’adapte à une domestication, tandis que le contraire n’est pas vrai.
Donc, l’un pourrait prendre la place de l’autre. Mais en serait-il plus heureux pour autant? J’en doute un peu !

Bon, le sanglier vient de disparaître dans la forêt et a repris sa vie d’embusqué. le temps passe et je dois prendre la route à présent. A propos, je vais chercher les draps à la blanchisserie.
Mon analyse ne permet pas de répondre à la question que je me suis posée. Quelle analyse le pourrait d’ailleurs ? Tant que les animaux ne laisseront pas couler des larmes quand ils se sentent malheureux …

La question au quelle je pourrais trouver réponse n’est pas de savoir s’ils sont heureux ou pas. Mais plutôt si l’homme que je suis, les imagine comme des animaux heureux. Et je pense que l’un et l’autre de mes exemples est bien à sa place et heureux d’y être. Le sanglier, pour son équilibre d’animal sauvage, a besoin de vivre dans la terreur de tous les instants et le petit chien dans les bras protecteurs de sa maîtresse. Voilà, ça me plait…

Reste une conviction cependant. La liberté est le plus grand garant du bonheur pour un organisme vivant. Mais si le sanglier est totalement libre, le petit chien n’est pas réellement en prison. Tout deux profitent de la liberté qui leur convient.

Tout en conduisant maintenant, je me rend compte que la maîtresse du petit chien n’aurait pas eu la même conclusion à cette réflexion. En regardant le sanglier détalé, elle aurait sûrement bien aimé lui mettre un petit gilet pour ne pas qu’il est froid. Lui porter une grosse gamelle de croquette parfumée pour qu’il mange à sa faim. Elle aurait bien aimé le protéger des vilains chasseurs. Elle aurait peut-être même voulu interdire la chasse au sanglier. Tout faire donc pour son ressenti à elle, mais pas forcément pour l’équilibre de l’animal.

Et voilà, j’ai trouvé là le point sensible du sujet, la faille en matière de droit des animaux. Ceux qui les défendent ne sont pas toujours les mieux placés pour connaître réellement leurs besoins et leurs équilibres de vie. Il faut savoir mettre de coté sa sensibilité personnelle pour faire la part des choses, car l'animal n'est pas un être humain.

Bon, assez philosophé pour ce matin, j’espère n’avoir froissé personne avec des pensées plus ou moins discutables, j’en conviens. Mais peut-être auront-elles le mérite de soulever en vous quelques interrogations. A Frévent les animaux sont omniprésents et même si je les trouve fort peu loquasse pour me tenir compagnie toute la journée, je les aime beaucoup.
Je dois me concentrer sur la route à présent, car j’arrive à Nangis. Les sujets de réflexion ne sont pas encore interdit au volant, mais plus encore que le téléphone portable, ils peuvent distraire l’attention.


Hervé