domaine de frévent

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vendredi 25 novembre 2016

Vu d'un chien...


Je me souviens bien de cet après-midi d’automne. Le soleil brillait entre quelques passages nuageux peu fréquents et la température était douce. Le petit vent léger qui balayait l’atmosphère n’était pas assez fort pour faire tomber les dernières feuilles accrochées aux arbres. C’est une grande douceur et un grand calme qui régnait autour de moi, une ambiance qui convenait bien à… se laisser aller.

Le matin, au lever du jour, j’étais sorti péniblement de mon box pour m’assoir sur l’épais tapis de feuilles mortes qui recouvrait le sol humide. Le ventre au frais, derrière les grilles de mon enclos je me remémorais les grands moments de vie passée ici à regarder la forêt.


Des flashs traversaient ma mémoire…

_ Mon arrivée ici dans le froid, sous la neige. L’occasion pour moi et mes copains de découvrir les plaisirs de la paille dans un local fermé pour se tenir bien chaud.
_ Les distractions du printemps avec la cohabitation des autres animaux du domaine que nous n’avions pas le droit de croquer.
Pour moi qui aie connu les grandes chasses à courre en forêt de Fontainebleau, dans lesquelles je n’excellais pas particulièrement d’ailleurs, je m’apercevais qu’ici je n’avais rencontré aucune contrainte. Je sortais du chenil pour des roulades dans l’herbe, des courses poursuites dans la forêt, pister des traces que des petits animaux avaient laissées pendant la nuit. Bien peu de labeur dans tout cela.
_ Mes baignades dans l’étang quand les oies n’y étaient pas.
_ Ma peur panique en détalant à travers le parc quand les enfants avaient placé un emballage en polystyrène autour de mon cou et que je n’arrivais pas à l’enlever.
_ Ma collision dans la vitre de la baie vitré que je n’avais pas vu fermée.
_ Mes bagarres, mes parties de jeu entre chiens.

Toutes ces journées pleines d’énergie dépensée me paraissaient bien loin car je me sentais très faible.
Je n’avais plus d’appétit depuis plusieurs jours. Mon maître avait changé mes croquettes, les avait associé avec de la soupe, des restant de poulet, des légumes… mais rien y faisait, je ne me nourrissais plus et n’en éprouvais aucunement le besoin. Je ne buvais pas non plus et l’affaiblissement m’envahissait progressivement.

J’étais allé en visite la veille au soir à la clinique vétérinaire. Palpations, tripotage des couilles et thermomètre dans le cul. Le verdict du Doc : insuffisance cardiaque et certainement autre chose dont il ne pouvait prendre connaissance sans avoir fait d’examens complémentaires. Lourd verdict pour un Anglo-Français de 10 ans. Le tout s’était soldé par deux bonnes piqûres dans la nuque pour me soulager et faire baisser ma fièvre. C’est certainement pour cela que j’étais si détendu ensuite.

Mais la bave coulait sur mes pattes avant, j’avais de plus en plus de mal à respirer et à garder les yeux ouverts. Ma maîtresse est venue me proposer un peu d’eau, que j’ai refusé d’avaler. Mon maître m’a regardé longuement avant de retourner à ses occupations.

C’était le milieu de l’après-midi de ce 23 novembre 2016 et je me retrouvais seul avec Forest, ce gros bouffeur de croquette qui a toujours cherché à finir mes gamelles.
Je me sentais tellement fébrile que je décidais de m’étendre sur le côté. La truffe posée au sol, je sentais mon corps se refroidir… l’odeur d’humus décomposé disparaissait peu à peu tandis qu’un voile noir venait me recouvrir les yeux… Je partais en apesanteur.

De l’au-delà où je me dirigeais, je voyais mon maître qui accélérait ses pas pour venir vers moi. Il est entré dans mon enclos et s’est précipité pour me caresser le ventre une dernière fois. Ses mains chaudes qui glissaient sur mes poils ne suffisaient plus à réchauffer mon corps, que je venais de quitter.

Croque note n’était plus là!


Dans les heures qui ont suivi mon départ, toute la famille est venue me dire au revoir.
Le soir, des bougies ont été allumées dans leur maison.

J’étais le dernier des premiers chiens arrivés ici en 2009. J’ai vu Dj mon meilleur compagnon de jeu, partir dans d’atroces souffrances. Puis ce fut le tour du chef Urbino qui ne s’est pas réveillé au petit matin.
Avec ma disparition du domaine de Frévent, c’est une page qui se tourne, mais le livre ne se referme pas. Un autre chien me succédera certainement pour tenir compagnie à Forest et continuer à animer cet endroit où j’ai finalement été heureux.

Et de nouvelles aventures s’écriront…


Hervé (pour Croque note)



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