domaine de frévent

domaine de frévent

vendredi 27 mars 2015

La formule magique.



Tr = 8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112

Tr = Température du point de rosée en °C
H = Taux d’humidité en %
T = Température en ° C
 
Petit, j’imaginais la pluie … Transportée par les nuages noirs et se déversant sur nos têtes au fur et à mesure de leur passage. Poussés par le Gulf Stream, je les voyais faire le plein au-dessus de l’océan Atlantique pour venir arroser les terres d’Europe, d’Ouest en Est. Plus le nuage était foncé, plus il y avait  de gouttelettes en suspension dans l’air prêtent à tomber sur nos têtes. C’était plutôt simpliste, mais loin d’être ridicule…
   
                          
Tr = 8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112, Aujourd’hui, la température du point de rosée n’est pas atteinte. Pour l’instant il ne pleut pas mais le sol est saturé d’eau. Il avale lentement le breuvage que le ciel a déversé sur lui ces derniers jours. Les cavités qui sont en lui, sa granulométrie, sa texture ne suffisent pas à entrainer par le fond toutes les précipitations accumulées. La croute terrestre de Frévent est devenue une membrane anaérobie. Certains micro-organismes qui l’habitent vont se noyer.
Je marche dans l’herbe imbibée. Chacun de mes pas appuyés reculent de 10 centimètres en glissant vers l’arrière. Dans l’hypothèse où mes enjambées agricoles me font avancer d’un mètre en terrain stable,(très pratique pour mesurer les parcelles) je dois faire onze pas au lieu de dix pour parcourir dix mètres. Fort heureusement, je suis équipé de bottes en caoutchouc. Mais dans ma foulée chaloupée mes chaussettes distendues se sont repliées en accordéon sur mes orteils. Je me mets en équilibre sur un pied pour les remonter et les tendre sur mes mollets.

 
          
Mes chiens m’aperçoivent au loin et remarque que je suis en difficulté. Ils accourent vers moi, les oreilles battantes, sourires aux lèvres et langue pendante d’un essoufflement déjà bien entamé. Tels les chevaux au galop dans les marais de Camargue, ils éclaboussent tout sur leur passage. Arrivés sur moi en terminant leur course chaotique, ils me bousculent. Je hausse le ton, ils me tournent autour, je perds l’équilibre et tombe sur le derrière. Je sens l’eau froide envahir mon pantalon qui n’est pas étanche. Ma peau se contracte… mon humeur aussi. Je hausse le ton, me voyant à leur hauteur les chiens cherchent à me lécher. Je me protège la figure de leurs museaux envahissant, avec mes bras. Je hausse le ton, ils me grimpent dessus avec leurs grosses pattes toutes sales, pensant que je suis prêt à jouer. Je voudrais me relever pour éviter le tsunami d’affection qui m’envahit mais je ne peux pas, alors je hausse le ton à nouveau espérant cette fois être entendu. Ils se calment enfin, se retournent, et me laissent le temps de me relever. C’est à mi-chemin de la position verticale que je me prends un coup de queue ressemblant plutôt à un coup de massue, sur le visage. Me voilà un peu sonné, trempé mais debout.

  
Tr=8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112, le taux d’humidité commence à grimper sérieusement, mais le point de rosée n’est toujours pas atteint. J’avance plus loin dans le sous-bois. L’eau de surface est apparente. Les feuilles mortes sont collées les unes aux autres et forment un tapis de caoutchouc moelleux. Les brindilles que j’écrase sous mes pieds ne craquent pas. L’humidité neutralise tous les froissements, les crépitements. J’évolue dans un monde élastique où toutes choses semblent pouvoir faire preuve d’une grande souplesse. Avec mon pantalon froid et plein de terre qui colle à ma cuisse, ma liberté de mouvement est diminuée. Je frissonne mais je suis attiré par cette atmosphère humide qui me présente des images jamais observées auparavant. J’essaie de sortir des sentiers battus et j’observe des brillances, des profondeurs de champs. Je me retourne pour découvrir des couleurs révélées par cette forte imprégnation climatique.

            
Tr=8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112, Le ciel s’assombrit, le taux d’humidité augmente encore et arrive à 85 %. La température ambiante diminue. Le point de rosée est atteint cette fois, les fines particules d’humidité en suspension dans l’air reçoivent une mission physique. Elles doivent se regrouper, s’agglutiner, se serrer amoureusement entre elles afin de former des gouttelettes d’eau. Ces gouttelettes tomberont du ciel ou se regrouperont à la pointe d’une branche, d’une herbe, d’une terminaison géométrique saillante.
C’est la pluie qui l’emporte.  Elle mouille mes cheveux, qui plaqués sur mon front ruisselle sur mon visage. J’étale de ma main cette eau qui vient troubler ma vision. L’une d’elles parvient à se glisser, par l’arrière, sur le haut de mon dos. Je remonte mon col et le resserre pour éviter que d’autres ne la suivent. L’averse qui s’intensifie s’accompagne du bruissement sourd des innombrables gouttes qui heurtent les branches et s’écrasent au sol.
Musique monocorde, paysage brumeux et opaque, température fraîche… Il est temps de rentrer !


 Voilà donc le faiseur de pluie. Un sage équilibre entre la température et le taux d’humidité de l’air, sans qui les nuages chargés de l’évaporation de la mer n’arriveraient à déverser leur précieux chargement au-dessus de nos têtes.
Petit, il me manquait juste cette formule de constatation physique (que je trouve bien compliqué d’ailleurs) pour justifier comment l’eau de mer puisse voler dans les nuages sans retomber immédiatement dans l’océan.
 
Hervé




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire