Tr
= 8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112
Tr
= Température du point de rosée en °C
H
= Taux d’humidité en %
T
= Température en ° C
Petit,
j’imaginais la pluie … Transportée par les nuages noirs et se déversant sur nos
têtes au fur et à mesure de leur passage. Poussés par le Gulf Stream, je les voyais
faire le plein au-dessus de l’océan Atlantique pour venir arroser les terres d’Europe,
d’Ouest en Est. Plus le nuage était foncé, plus il y avait de gouttelettes en suspension dans l’air
prêtent à tomber sur nos têtes. C’était plutôt simpliste, mais loin d’être ridicule…
Tr
= 8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112, Aujourd’hui, la température du
point de rosée n’est pas atteinte. Pour l’instant il ne pleut pas mais le sol
est saturé d’eau. Il avale lentement le breuvage que le ciel a déversé sur lui
ces derniers jours. Les cavités qui sont en lui, sa granulométrie, sa texture
ne suffisent pas à entrainer par le fond toutes les précipitations accumulées. La
croute terrestre de Frévent est devenue une membrane anaérobie. Certains
micro-organismes qui l’habitent vont se noyer.
Je
marche dans l’herbe imbibée. Chacun de mes pas appuyés reculent de 10
centimètres en glissant vers l’arrière. Dans l’hypothèse où mes enjambées
agricoles me font avancer d’un mètre en terrain stable,(très pratique pour mesurer les parcelles) je dois faire onze pas
au lieu de dix pour parcourir dix mètres. Fort heureusement, je suis équipé de
bottes en caoutchouc. Mais dans ma foulée chaloupée mes chaussettes distendues
se sont repliées en accordéon sur mes orteils. Je me mets en équilibre sur un
pied pour les remonter et les tendre sur mes mollets.
Mes
chiens m’aperçoivent au loin et remarque que je suis en difficulté. Ils
accourent vers moi, les oreilles battantes, sourires aux lèvres et langue
pendante d’un essoufflement déjà bien entamé. Tels les chevaux au galop dans
les marais de Camargue, ils éclaboussent tout sur leur passage. Arrivés sur moi
en terminant leur course chaotique, ils me bousculent. Je hausse le ton, ils me
tournent autour, je perds l’équilibre et tombe sur le derrière. Je sens l’eau
froide envahir mon pantalon qui n’est pas étanche. Ma peau se contracte… mon
humeur aussi. Je hausse le ton, me voyant à leur hauteur les chiens cherchent à
me lécher. Je me protège la figure de leurs museaux envahissant, avec mes bras.
Je hausse le ton, ils me grimpent dessus avec leurs grosses pattes toutes
sales, pensant que je suis prêt à jouer. Je voudrais me relever pour éviter le
tsunami d’affection qui m’envahit mais je ne peux pas, alors je hausse le ton à
nouveau espérant cette fois être entendu. Ils se calment enfin, se retournent,
et me laissent le temps de me relever. C’est à mi-chemin de la position
verticale que je me prends un coup de queue ressemblant plutôt à un coup de
massue, sur le visage. Me voilà un peu sonné, trempé mais debout.
Tr=8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112,
le taux d’humidité commence à grimper sérieusement, mais le point de rosée
n’est toujours pas atteint. J’avance plus loin dans le sous-bois. L’eau de
surface est apparente. Les feuilles mortes sont collées les unes aux autres et
forment un tapis de caoutchouc moelleux. Les brindilles que j’écrase sous mes
pieds ne craquent pas. L’humidité neutralise tous les froissements, les
crépitements. J’évolue dans un monde élastique où toutes choses semblent
pouvoir faire preuve d’une grande souplesse. Avec mon pantalon froid et plein
de terre qui colle à ma cuisse, ma liberté de mouvement est diminuée. Je
frissonne mais je suis attiré par cette atmosphère humide qui me présente des
images jamais observées auparavant. J’essaie de sortir des sentiers battus et
j’observe des brillances, des profondeurs de champs. Je me retourne pour découvrir
des couleurs révélées par cette forte imprégnation climatique.
Tr=8√H.[112+(0,9.T)]+(0,1.T)-112,
Le ciel s’assombrit, le taux d’humidité augmente encore et arrive à 85 %. La
température ambiante diminue. Le point de rosée est atteint cette fois, les
fines particules d’humidité en suspension dans l’air reçoivent une mission physique.
Elles doivent se regrouper, s’agglutiner, se serrer amoureusement entre elles
afin de former des gouttelettes d’eau. Ces gouttelettes tomberont du ciel ou se
regrouperont à la pointe d’une branche, d’une herbe, d’une terminaison
géométrique saillante.
C’est
la pluie qui l’emporte. Elle mouille mes
cheveux, qui plaqués sur mon front ruisselle sur mon visage. J’étale de ma main
cette eau qui vient troubler ma vision. L’une d’elles parvient à se glisser,
par l’arrière, sur le haut de mon dos. Je remonte mon col et le resserre pour
éviter que d’autres ne la suivent. L’averse qui s’intensifie s’accompagne du
bruissement sourd des innombrables gouttes qui heurtent les branches et s’écrasent
au sol.
Musique
monocorde, paysage brumeux et opaque, température fraîche… Il est temps de
rentrer !
Voilà
donc le faiseur de pluie. Un sage équilibre entre la température et le taux
d’humidité de l’air, sans qui les nuages chargés de l’évaporation de la mer
n’arriveraient à déverser leur précieux chargement au-dessus de nos têtes.
Petit,
il me manquait juste cette formule de constatation physique (que je trouve bien compliqué d’ailleurs)
pour justifier comment l’eau de mer puisse voler dans les nuages sans retomber
immédiatement dans l’océan.
Hervé
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