domaine de frévent

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samedi 9 mai 2015

C'est la mousson...


Cette vaste étendue de pelouse bien verte ne demande qu’à être tondue. L’herbe est haute mais il est difficile de trouver une fenêtre météo pour la couper. Il faut quatre à cinq heures au printemps pour venir à bout de cette tâche hebdomadaire.

Avec la pluviométrie de ces derniers jours, le sol est trempé et pourtant, il faut passer. Je profite d’un coup de vent sans pluie cet après-midi pour mettre fin à douze jours de croissance herbacée.


Après le déjeuner, je protège mes oreilles du bruit et je démarre le tracteur... Accélérateur à fond, plateau de coupe embrayé, les trois lames se mettent en rotation pour aspirer, sectionner et éjecter ce qui se présente face à elles. Me voilà parti pour cinq heures de rodéo. Pied légèrement appuyé sur la commande de vitesse, je fixe un point sur l’horizon et y cale le nez de l’engin pour un premier passage rectiligne. La tondeuse laisse derrière elle la trace nette, couleur ‘vert tendre’ d’un gazon coupé raz. Celle-ci sera vite recouverte par une projection d’herbe venant de la tonte du sens inverse. Moi, lunettes de soleil posées sur le nez (bien inutile par ce temps nuageux) j’ai l’œil fixé sur la petite roue du plateau de coupe que je cale sur la trace du passage précédant. Mais très vite il y a bourrage et des paquets d’herbes mâchées se détachent sur le damier. Le tracteur semble rouler sur l’eau. Ces roues, chargées de terre et de gazon mouillé, laissent des empreintes de leur passage. Les conditions ne sont pas réunies pour faire un travail propre, mais il faut finir avant la prochaine pluie qui sera là dès ce soir.

Au fur et à mesure des allés retours, mon regard s’égare dans des pensées multiples. Heureusement, les secousses sont là et les obstacles aussi, pour me maintenir éveillé. Déjà, le dos agité dans tous les sens, accuse quelques douleurs. Les muscles qui le maintiennent droit se contractent en réaction au moindre dénivelé du sol. Ils se fatiguent, s’échauffent, perdent de leur souplesse. Les jambes et les bras leurs viennent en aide. Sans essoufflement, c’est le corps tout entier qui s’épuise dans la monotonie de l’action.

J’arrive à un passage délicat chargé en arbustes de différentes tailles, placés çà et là en désordre devant moi. Marche avant et marche arrière s’enchainent tout doucement pour limiter le patinage. Délicate manœuvre à droite, puis à gauche pour tondre au plus près des arbres. Manipulations énergiques qui apportent momentanément un peu de réchauffement.
Un peu plus loin, dans une combe gorgée d’eau, l’herbe est grasse et dense. Le régime du moteur diminue légèrement et devient plus sourd. Le tracteur peine à avaler cette matière verte qui s’agglutine sous le carter de coupe avant d’être éjectée. Des vibrations se ressentent dans le volant et une légère fumée noire sort du pot d’échappement. Comme pour un humain en pleine effort, la machine doit ralentir si elle veut tenir la cadence. Alors je lève le pied pour diminuer sa vitesse d’avancement et lui permettre de reprendre son souffle.

Je parcours ainsi des kilomètres sur ce cheval de fer en dessinant des méandres sur le tapis végétal. Semaine après semaine, cela me permet de contempler et d’examiner à partir de différents points de vue, l’ensemble de mon espace de vie.

L’après-midi passe et quelques gouttes de pluie font leur apparition sur le capot. Il est temps de s’arrêter. Je place le tracteur devant la cuve à fioul pour refaire le plein et je coupe le moteur. Par une extension de mes membres inférieurs, je me lève en enjambant le siège et me retrouve debout après cinq heures de soubresaut. Mes articulations craquent, mes tendons manquent de souplesse et c’est avec quelques douleurs que je parviens à me remettre en mouvement. La démarche est lente et saccadée, le dos est voûté et rencontre des difficultés à reprendre sa verticalité.

Appuyé sur un poteau, pendant que mon réservoir se remplit, je regarde cette surface verte dépourvue à présent de petites fleurs. Je remarque des traces de roue plus ou moins appuyées selon l’endroit ainsi qu’une couche irrégulière d’herbe coupée qui vient de sécher sous l’effet du vent. Il restera de cet épisode une tonte imparfaite que le temps, j’espère se chargera de réparer. La pluie peut reprendre maintenant, car le prochain passage ne se fera pas avant la semaine prochaine… Quoique, peut-être un peu avant pour éliminer plus rapidement les stigmates de cette aventure imbibée.


Voilà bien d’ailleurs, le seul objet à retenir de ce feuillet un peu fade. Pourquoi le publier me direz-vous ?… et bien pour laisser une trace de ce que fut la météo en ce début du mois de mai 2015. C’était la mousson, ici au Domaine de Frévent et cela ne nous a pas empêché d’entretenir la pelouse.

Hervé




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