domaine de frévent

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vendredi 13 février 2015

Les animaux qui pleurent...


C’est en regardant courir un sanglier dans le champ en face, que m’est venu une réflexion concernant le droit des animaux. Vous savez, c’est d’actualité… Les parlementaires viennent d’adopter un amendement qui les reconnaît, pour le code civil, comme des « êtres vivants doués de sensibilité » plutôt que des « biens meubles » comme auparavant. En matière de droit, la nuance est importante. Mais ma pensée se porte plutôt sur l’aptitude du législateur à savoir ce qui est bien ou pas pour l’animal…qui ne parle pas !

Je sortais de Frévent en voiture, le portail automatique s’ouvrait en coulissant. Là devant moi, une lourde masse de viande montée sur quatre pattes coniques déambule en territoire hostile. Cette grosse tâche noire se distingue bien sur la couleur verte du blé tendre d’hiver. Elle laisse apparaître une trajectoire non rectiligne de l’animal. Il est couvert de boue et doit sentir … le sauvage. Sa vie est rude, il ne craint pas les températures extrêmes ni les précipitations. Je me suis mis à le comparer dans ma tête à un petit chien domestique, toiletté, parfumé, habillé dans les bras de sa maîtresse préférée qui le couvre de bisous et de papouilles toute la journée. La question s’est posée naturellement, lequel de ces deux animaux est le plus heureux dans cet univers imposé par l’homme.


Le sanglier

Il n’y a pas de chasse aujourd’hui et il n’y a donc pas de chasseurs derrière lui. Mais il ne le sait pas. Ce cochon est pourtant bien pressé de rejoindre la forêt juste devant lui.

C’est un animal intelligent au dire des chasseurs qui l’ont déjà affronté. Certain y ont laissé des plumes et même la vie, tel le roi Robert BARATEON, grand guerrier devant l’éternel qui ne mourut pas sur le champ de bataille, mais à la chasse, éventré par un porc ! Mais là, on est dans une autre histoire.

A le regarder faire, je me demande ce qui le pousse donc à courir ainsi pour rejoindre le maquis. Peut-être le fait de se sentir vulnérable en terrain dénudé. Il avance par peur et non pas par stratégie. Il n’a pas la notion du temps, et ne sais donc pas où il sera demain, l’heure prochaine ni dans les minutes qui viennent. Il ne s’en soucie pas puisque pour lui, le futur n’existe pas. Il ne sait pas que le printemps viendra et qu’il sentira alors venir le désir de la reproduction. Il ne sait pas non plus qu’il lui faudra bientôt trouver de la nourriture. Il ne réfléchit pas, c’est donc son estomac et la faim qui lui feront comprendre qu’il doit manger, sur l’instant. Lui est totalement libre de tous ses mouvements. Personne ne s’inquiète de savoir s’il a chaud, s’il a froid, s’il a des douleurs quelque part.

Je ne vois que deux choses qui le poussent à avancer dans la journée. La quête de nourriture, et la crainte du prédateur. Que se passerait-il s’il venait à manquer l’un de ces deux motivateurs. Sans nourriture, ce n’est pas difficile à imaginer, il meurt. Cet élément lui est donc indispensable. Mais sans prédateurs, aurait-il toujours en lui ce profond le désir de survie ? Certain pense qu’une race qui ne redoute aucun prédateur, est appelé à disparaître à plus ou moins long terme, faute de combativité. Et cela sans évoquer les problèmes engendrés par la surpopulation de l’espèce. Si les chasseurs ne jouaient pas leur rôle à son égard, qu’est ce qui pousserait cet animal à se battre pour exister ?


Le petit chien

Lui est au théâtre, bien au chaud, assis sur les genoux de la patronne. Il se fait caresser (sur la tête, car il est habillé d’un jolie petit gilet rouge tricoté avec amour). Il est entouré d’êtres humains, et ne se soucie guère de leur présence. Ce n’est pas un animal sauvage. La pièce va commencer et tous les regards vont être attirés vers la scène. Plongé dans l’obscurité, il va pouvoir s’endormir paisiblement. Il se réveillera quand sa maîtresse se lèvera. Il n’aura pas besoin de marcher car elle le portera dans ses bras jusqu’au domicile. Là, une bonne gamelle de croquettes parfumés et multicolores l’attendra. Si la faim se fait sentir, il n’aura plus qu’à baisser la tête pour s’alimenter. Ah, j’oubliais, il est à jour de tous ces vaccins.
Lui aussi vit au présent, sans la peur du lendemain, qu’il ne connaît pas. Aujourd’hui c’est théâtre, demain ce sera les grands magasins, mais il ne le sait pas encore. La reproduction viendra quand on lui mettra une femelle devant les yeux. Cet animal n’est libre d’aucun mouvement mais n’a pas besoin de chasser pour survivre. Dès qu’il fait froid, on le couvre, dès qu’il a soif on lui donne de l’eau. Et si la maladie le gagne, on le soigne.
Qu’est ce qui peut bien pousser ce petit chien à se lever tous les matins ? Je ne vois qu’un seul facteur motivant dans son cas, c’est l’amour de sa maîtresse. Et de l’amour il en donne autant qu’il en reçoit. De l’attention, des caresses en échange d’une vie sous tutelle.

Le portail s’est maintenant refermé derrière moi, et l’habitacle de la voiture commence à bien chauffer. Le moteur tourne au ralenti et je ne suis pas pressé de m’engager sur la route. Je ne suis pas encore arrivé au terme de ma réflexion.
La question reste entière. Puis-je arriver à définir lequel des deux animaux est le plus heureux. Alors il me vient une idée. Inverser leurs situations.

Imaginer le petit chien, sale et puant, qui coure dans la plaine, pour fuir son prédateur ou pour rechercher sa nourriture. Cela me paraît impossible et s’il devait vivre un jour cette situation, cela serait pour son plus grand malheur. Il ne serait pas heureux et ne survivrait pas longtemps.

Imaginer le sanglier sur les genoux d’une maîtresse qui le couvre de câlins, lui donne à manger et à boire à volonté, me semble plus vraisemblable (pour le sanglier, car je pense que la maîtresse ne s’en accommoderait pas). Un animal sauvage s’adapte à une domestication, tandis que le contraire n’est pas vrai.
Donc, l’un pourrait prendre la place de l’autre. Mais en serait-il plus heureux pour autant? J’en doute un peu !

Bon, le sanglier vient de disparaître dans la forêt et a repris sa vie d’embusqué. le temps passe et je dois prendre la route à présent. A propos, je vais chercher les draps à la blanchisserie.
Mon analyse ne permet pas de répondre à la question que je me suis posée. Quelle analyse le pourrait d’ailleurs ? Tant que les animaux ne laisseront pas couler des larmes quand ils se sentent malheureux …

La question au quelle je pourrais trouver réponse n’est pas de savoir s’ils sont heureux ou pas. Mais plutôt si l’homme que je suis, les imagine comme des animaux heureux. Et je pense que l’un et l’autre de mes exemples est bien à sa place et heureux d’y être. Le sanglier, pour son équilibre d’animal sauvage, a besoin de vivre dans la terreur de tous les instants et le petit chien dans les bras protecteurs de sa maîtresse. Voilà, ça me plait…

Reste une conviction cependant. La liberté est le plus grand garant du bonheur pour un organisme vivant. Mais si le sanglier est totalement libre, le petit chien n’est pas réellement en prison. Tout deux profitent de la liberté qui leur convient.

Tout en conduisant maintenant, je me rend compte que la maîtresse du petit chien n’aurait pas eu la même conclusion à cette réflexion. En regardant le sanglier détalé, elle aurait sûrement bien aimé lui mettre un petit gilet pour ne pas qu’il est froid. Lui porter une grosse gamelle de croquette parfumée pour qu’il mange à sa faim. Elle aurait bien aimé le protéger des vilains chasseurs. Elle aurait peut-être même voulu interdire la chasse au sanglier. Tout faire donc pour son ressenti à elle, mais pas forcément pour l’équilibre de l’animal.

Et voilà, j’ai trouvé là le point sensible du sujet, la faille en matière de droit des animaux. Ceux qui les défendent ne sont pas toujours les mieux placés pour connaître réellement leurs besoins et leurs équilibres de vie. Il faut savoir mettre de coté sa sensibilité personnelle pour faire la part des choses, car l'animal n'est pas un être humain.

Bon, assez philosophé pour ce matin, j’espère n’avoir froissé personne avec des pensées plus ou moins discutables, j’en conviens. Mais peut-être auront-elles le mérite de soulever en vous quelques interrogations. A Frévent les animaux sont omniprésents et même si je les trouve fort peu loquasse pour me tenir compagnie toute la journée, je les aime beaucoup.
Je dois me concentrer sur la route à présent, car j’arrive à Nangis. Les sujets de réflexion ne sont pas encore interdit au volant, mais plus encore que le téléphone portable, ils peuvent distraire l’attention.


Hervé






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