domaine de frévent

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samedi 8 novembre 2014

4 - Massacre à la tronçonneuse




Quelle belle allée que voilà ! Pierrée, engazonnée de chaque côté et bordée de sapin de 30 mètres de hauteur que la tempête de 1999 n’a pas totalement épargné.

Ces grands sapins dessinent l’allée dans la hauteur, mais dissocie l’étang du reste de la propriété. De plus, d’un point de vue paysage cette barrière forme un rideau noir dans une végétation plus clair, surtout en hiver quand les caduques n’ont plus leurs feuilles.

La décision est prise. Moi qui ai droit de vie et de mort sur mes sujets (je parle des végétaux bien sûr …ou hélas, ça dépend des jours…) je décide de les abattre pour faire place, dans un futur proche, à une végétation plus basse.

Le schéma sera le suivant : guillotine au pied, puis mise sur le bucher…



Tel un vrai bûcheron qui habite en pleine forêt, je donne l’impression de maîtriser la chose. Il n’en est rien, croyez moi. La nostalgie m’envahit à chaque fois qu’il faut ôter la vie, même d’un végétal. Un seul coup de tronçonneuse de quelques minutes suffit à effacer tant d’années d’existence. L’arbre ne dit mot, mais doit ressentir à sa façon la fin de sa vie arrivée quand la tronçonneuse tourne à plein régime à ses pieds. Il fait parti lui aussi de la création et a été acteur de notre histoire en jouant un rôle sur nous-même.

Dans le cas de l’allée, ces sapins n’ont pas été plantés sans raison. Celui qui les a mis en terre leur à donner une fonction. J’ai une petite pensée pour lui, qui pouvait tenir ces petits arbres dans ces mains au moment de la plantation. Car je vais détruire son travail. Peut-être m’en voudra-t-il ? Mais il n’est certainement plus de ce monde à présent.

Alors on peut couper et mieux vaut ne pas se poser de question car l’heure tourne, il faut agir.

Je prends ma machine que je viens de réviser. Chaîne affûtée soigneusement, les maillons coupent comme des couteaux et sont prêt à mordre et arracher le bois comme s’ils rentraient dans du beurre. J’ai fait le plein d’huile et d’essence et je m’approche du premier tronc d’un pas décidé. C’est alors que je sens mon ventre se serrer, mes jambes perdre de l’assurance. La température semble augmenter soudain. Mais que ce passe-t-il ? Mais… ne pas se poser de questions, il faut agir.

Alors je lève la tête, regarde la cime de l’arbre, étudie dans quel sens il va se coucher. Et là voyez-vous, je comprends ce qu’il se passe. La peur au ventre et l’incapacité à définir sa chute avec certitude me rappelle que je ne suis pas… bûcheron.

S’il tombe devant c’est dans l’étang, s’il tombe derrière c’est sur les bâtiments (scénario à exclure absolument), sur le côté gauche c’est le portail, la clôture et la route derrière, et sur la droite c’est un vieux chêne qui va bloquer sa descente. En fait, la meilleure solution serait sur la gauche, mais parfaitement dans l’axe de l’allée (précision chirurgical comme on dit maintenant).


 
J’en entends déjà certain me souffler qu’il suffit d’accrocher l’arbre avec une corde et le tirer avec le tracteur. Oui facile à dire, mais là il s’agit tout de même de grands spécimens. Et puis il m’est déjà arrivé d’en prendre un (heureusement plus petit) sur la cabine du tracteur.

Et je ne vous parle pas des nombreuses fois ou l’arbre s’inclinant à l’inverse de ce qui était prévu, m’a coincé la chaîne de la tronçonneuse et le guide avec. Quand on ne peut plus retirer la tronçonneuse, je vous laisse imaginer comment continuer le travail.

Voilà, à me poser trop de questions, j’ai le trouillomètre à 0. Alors je « prends mon pied à revers » (pas de panique, c’est une expression de chasseur) et range ma tronçonneuse de compétition.

Étant jeune, j’aurais peut-être tenté le coup en état d’inconscience. Mais là je décide de faire appel à un professionnel.

Ce qui, aujourd’hui est fait. Je l’attends toujours, et je vous raconterais donc la suite dans un prochain feuillet. (Stratégie de communication).


Hervé

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